La créativité suppose un manque ou un besoin. Si vous n’avez rien à changer ou si vous n’avez besoin de rien, vous aurez plus de mal à créer. Combien d’œuvres majeures, de chansons d’amour, de poèmes, de compositions ont été crées par des auteurs au sourire béat, baignant dans la complétude ? Peu sans doute. Même la chanson d’amour la plus optimiste a vraisemblablement été composée par un être transi venant de prendre conscience de la possible finitude de cette relation ou des sentiments qu’il éprouvait à ce moment précis. La création par anticipation du manque ou suite à la réalisation du caractère fini des émotions éprouvées. La création est la conséquence de la projection. Celui qui vit dans le présent vit, par définition, et n’a besoin de rien changer car le présent ne le peut être. La création comme exutoire ou comme protection. Dès lors, comme l’écrivait Nietzsche, il faut du chaos en soi pour mettre au monde une étoile dansante*. Ceux qui se refusent à éprouver de la mélancolie, du désespoir ou à lutter contre la solitude risquent de peindre des tableaux bien fades. Il ne faut rien rejeter, aucune émotion, aucune expérience. Et parfois s’accorder un peu de temps pour plonger dans ses propres abysses. Mais toujours avec corde bien arrimée à la surface.
*F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra (trad. Albert, 1903, page 18)